dimanche 7 juin 2009

Histoire d'histoires...


Le temps des romans à dix sous. (1ère partie)


Depuis que je sais lire, j’ai une dent contre la fiction québécoise. Durant mon enfance et mon adolescence, les auteurs d’ici n’ont pas produit grand-chose pour susciter mon intérêt. Romans, téléromans, films, rien ne trouvait grâce à mes yeux, du moins jusqu’aux années 1980 (après, ça a commencé à changer). Comme beaucoup de jeunes je « trippais » sur les histoires d’action, de suspenses, d’insolite. Science-fiction, fantastique, polar, thrillers d’espionnage, voilà ce qui était ma tasse de thé, que ce soit à la télé, au cinéma, en roman ou en B.D.
Or, de ce point de vue, dans la deuxième moitié des années 1960 et dans les années 1970, tout était étranger. Les « héros », qu’ils soient capitaines de vaisseau spatial, espions, pilotes, détectives ou explorateurs étaient invariablement américains, français, britanniques, japonais, belges, parfois néerlandais, mexicains ou italiens mais jamais québécois. Un seul « Canadien » : Dan Cooper l’as de l’aviation… héros d’une B.D. belge. Les Français produisaient des films policiers et d'espionnage, les Belges des B.D., les Japonais des gros monstres, les Italiens des péplums et des western, les Chinois des films de Kung-Fu, les Britanniques étaient les spécialistes de l'horreur gothique. Les séries télé d'action venaient des États-Unis ou de Grande-Bretagne, mais parfois du Japon (surtout les dessins animés) mais aussi d'ailleurs. Et ici ?
Le roman québécois semblait ne se composer que de romances sombres mettant en vedette des losers mijotant dans leur auto-apitoiement. Les téléromans ? Des petits drames familiaux se résumant à des chicanes de cuisine. Quand il se passait quelque chose, on ne le voyait pas, on en entendait parler ! Le cinéma québécois ? À l’époque, on n’y voyait qu’antihéros souffreteux, théâtre d’été filmé ou « films de cul ».
Vraiment, il semblait possible d’imaginer un monde plus excitant dans tous les pays, sauf ici. Il semblait possible d’imaginer un individu triomphant contre l’adversité dans tous les pays sauf ici. Il semblait possible de trouver des récits captivants dans l’histoire de tous les pays, sauf ici. Il semblait possible d’imaginer le futur dans tous les pays, sauf ici.

Ça n’avait pourtant pas toujours été comme ça. Je me souvenais, qu’au début des années 60 (mais j’étais alors bien petit…), il y avait eu, à la télé québécoise, des séries historiques, policières, fantastiques, tout à fait comparables à ce qui se faisait ailleurs. Il y avait eu Radisson, Les Enquêtes Jobidon, le Courrier du Roy, le Grand Duc, Ti-Jean Caribou.
Tout ça était bien disparu quand je commençais à aller à l’école. L’ « action », c’était alors « Batman », « Ultraman », Super-Bolide (alias « Speed Racer ») Hawaii 5-0, les Envahisseurs, Bob Morane, Tintin, Astérix, etc.
Ce fut l’époque où je commençais à m’intéresser à l’écriture, tout d’abord par le biais de la B.D. Je créais des bandes dessinées sur du papier recyclé que mon père ramenait de l’usine. Histoires d’aventures, de science-fiction, fantastique… toujours très exotiques. J’étais totalement incapable d’imaginer de telles histoires se passant au Québec. Tous mes héros avaient des noms anglo-saxons et vivaient à Los Angeles, Londres ou New York.
Ce malaise était d’ailleurs très répandu. Un jour dans la cour de l’école, je rencontrai un gars, qui faisait, lui aussi, des B.D. J’étais heureux de rencontrer enfin quelqu’un qui partageait mes intérêts, ça me faisait sentir moins « freak ». Ce fut d’une longue amitié et, de samedi en samedi, nous rencontrions pour partager nos créations. Pendant un moment, il y eu même une sorte de petit club de 4 ou 5 bédéistes en herbe. Ils avaient tous le même problème que moi en ce qui concernait les personnages québécois (ou canadiens-français, comme nous disions alors).
Lorsque nous évoquions la possibilité de créer un héros francophone, c’était sur le mode de la parodie, pour plaisanter. La chose paraissait absurde en soi.
Puis, un samedi de 1971, je feuilletais la revue « Perspectives » (qui venait en supplément du journal Le Soleil chaque fin de semaine) et j’aperçus une photo d’un curieux décor avec des comédiens québécois connus en uniformes nazis. En grosse lettres colorées, un titre : IXE 13.
« Qu’est-ce que c’est que ce truc ? », me demandai-je. On parlait d’un film qui allait bientôt sortir. Film de Jacques Godbout, musique de François Dompierre et, distribution : Louise Forestier, les quatre compères du groupe Les Cyniques: André Dubois, Serge Grenier, Marc Laurendeau et Marcel Saint-Germain, plus Carole Laure, Diane Arcand, Luce Guilbeault, Jean-Guy Moreau, Louisette Dussault et même les lutteurs nains Little Brutus et Sky Low Low !
Dans l’article, j’apprenais que ce film était une adaptation d’une série de romans de Pierre Saurel, mettant en vedette un personnage qui avait été extrêmement populaire : IXE 13, l’as des espions canadiens.
Alors que je commentais l’article à voix haute, ma mère, qui se trouvait non loin, dans la cuisine, me dit à peu près ceci : « IXE 13 ? Ah oui ! J’aimais ces livres-là, ça a été extrêmement populaire. Tout le monde lisait ça. C’était des « romans à dix sous ». »
L’article du « Perspectives » mentionnait, effectivement, que les « romans à dix sous », publiés en épisodes hebdomadaires, avaient été une forme de littérature très populaire avant la télé.
J’étais à la fois fasciné et frustré : moi qui lisais beaucoup, je n’en avais jamais entendu parler.
Dans une vieille armoire de la maison, se trouvaient encore quelques exemplaires de ce qui avait été les lectures de ma mère : de vieux numéros jaunis des aventures de IXE 13, ainsi que d’un autre personnage totalement inconnu pour moi, «Le Domino Noir ». C’étaient des fascicules d’une quarantaine de pages, imprimés sur du papier journal, avec une couverture monochrome illustrée. Je les lus avec fascination. Comme ça, il avait déjà existé, ici au Québec, une forme de littérature populaire !
Évidemment, je suis allé voir le film. Une comédie musicale (genre peu pratiqué ici, également) joyeusement éclatée. « IXE 13 » fut cependant un flop au box office. J’ai toujours considéré que c’était un des films les plus sous-estimé de cette période du cinéma québécois.
Il a fallu des décennies avant que j’en apprenne davantage sur ce qu’avaient été ces fameux « romans à dix sous ».
De quoi s’agissait-il donc ?
La suite la semaine prochaine.
P.S. : "Histoires à Dormir Debout !" est aussi une émission de radio !
Tous les dimanches à 13h et les jeudi à 18h sur CJRD FM 88,9 à Drummondville.
Animée par Claire Tessier.
Accessible en direct sur le web au www.cjrd.ca

1 commentaire:

Anonyme a dit…

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